Au fil de l'eau, Au fil de l'autre

 

On n'en reviendra pas. De cette traversée avec l'hôpital de jour de la Ciotat.
Pendant une semaine nous avons posé le Parcours Sensoriel de la traversée pour y accueillir les enfants autistes de la structure et l'équipe soignante. Et bien, on en ressort chamboulées, et certaines qu'on désire mettre un cap dans cette direction.

Retours d’expérience avec les adultes, les jeunes, et les tout petits.

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Après plusieurs mois de recherche d'un lieu pour accueillir le Parcours sensoriel, c'est finalement le foyer Matira qui a répondu présent. Une structure où vivent des adultes en situation de handicap, et où, immédiatement, on s'est senties comme à bord de notre propre bateau.

AVEC LES ENFANTS DE L’HOPITAL DE JOUR

Chaque demi-journée nous avons accueilli sur le Parcours un petit groupe de 4 à 6 enfants, accompagnés par des membres de l'équipe soignante. Priorité à l'expérience vécue de chacun, et au temps de savourer les sensations.

Un petit aperçu de l'aventure partagée, à travers un diaporama sonore >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

 

On vous raconte, avec le Slam de la Traversée

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A l'Hôpital de jour on a embarqué.
Les amarres on a larguées.
C'était parti pour la traversée.

Sur un douze mâts attentif à l'équipage de 22 matelots.
Un douze mâts à l'écoute, adaptable, généreux...
et joueur.
Rien que ça.
Tout ça
Pour mener la barque.

Alors à la ligne de vie on s'est liés.
À l'Hôpital de jour on a embarqué.
Les amarres on a larguées.
C'était parti pour la traversée

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Il fallait bien qu'un premier soit le courageux à se bander les yeux.
Il s'en est trouvé un de volontaire.
Les pieds nus et la vue ôtée il est passé... à fond,
Sur l'autoroute des sensations.
Alors à son deuxième passage
Il a été invité à découvrir les toutes petites routes. Et à savourer. Goulûment.

Il veut voir.
En même temps qu'il ne veut pas voir.
Alors « bandeau s'il vous plait ! ».
Comme ça, il pourra se dire qu'il l'a fait.

Du ponton il a regardé sa mère
Au loin, traverser les mers.
Sous le regard attentif de sa sœur qui semble tenter de le comprendre. Mais il n'a pas eu besoin de passer la porte de l'aventure
Pour que l'aventure l'atteigne et le teigne
De ses vagues d'émotions.

Il s'est surpassé.
On ne pouvait pas se douter que lâcher prise pour lui était si compliqué.

VVVVVV.... comme une flèche il trace et trace le chemin pour son frère, sa sœur et sa mère.

Non, il ne voulait plus.
Non. Non. Non. Que non.
Mais il a rencontré le vent.
Un vent qui a ventilé des flots de sensations sur son visage.
Un vent qui a façonné sa peau, sa bouche et ses yeux, d'un sourire. D'ange.

Elle, tanguait.
D'un pied sur l'autre.
De l'envie à la crainte. De la crainte à l'envie. De l'envie à la crainte.
De la crainte au chuchotement apaisant.
« Je n'ai pas peur... Tout va bien ».
Elle court-âg-ée de 8 ans seulement
Et voilà qu'elle éclaire le chemin de ses grands-parents.

 
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Savoir savourer les grains sous ses pieds
Le bruit de l'eau et la tranquillité du bateau.
C'est... pas facile.
Lui, même si y a toujours quelqu'un... qui
Est pas là ”,
Était beau à voir déguster.


 

Tout était prêt pour lui, pour lui tout était prêt.
Il est arrivé.
Une chaise avait été préparée, un passage aménagé.
La carte postale sonore pouvait commencer.
Mais d'un coup il s'est levé et sur le bateau partagé,
Il a cherché si ça passait et
Il a trouvé sa place.

Sans un mot il s'est lancé, et s'est laissé planer au fil de l'eau
Au fil de l'autre que lui
Cet autre paternel qu'il a semblé aimé mener
D'un pas à l'autre.

Jamais d'histoire connue du Parcours Sensoriel de la traversée
Quelqu'un s'était aussi bien préparé.
330 coups de pompe et 240 abdominaux plus tard
L'aventure pouvait démarrer..


Tempête, vent, pluie, orage.
Même pas peur.
Même plus peur.
Et c'est même le « plplplplplpl » de l'eau
Dont il a raffolé.

Un quatuor pour lui, à soulever le spi,
Une voile qui l'impressionnait
Jusqu'à ce qu'il se sente apaisé...
Et qu'il veuille y rester... Encore un peu... Un peu... Mais
Il a bien fallu qu'il en sorte
Pour finalement y mener sa mère qui,
Pour la première fois
S'est laissée guidée par son fils
Au fil d'une confiance fraichement rencontrée.

 

Et voilà que les côtes sont apparues
Et que de traverser nous y étions parvenu·e·s.
Sacré voyage... d'où nous ne sommes pas vraiment revenu·e·s.

Les embruns de l'aventure courent toujours dans nos veines
Et les morceaux de rencontres des jeunes encore nous parsèment.

Une première, avant une deuxième, ça on ne sait pas
Mais dans tous les cas, nous, on n'en reviendra pas.

Au fil de l'eau, de là.

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LES TOUT PETITS DU CAMSP

Notre présence toute la semaine à la Ciotat a permis aux enfants du CAMSP de venir vivre un bout d'aventure avec nous, le temps d'une matinée. S'ils ont des difficultés repérées, en tout cas sur le Parcours ils ont filé.

 

LES ADULTES DU FOYER

Cette semaine a aussi été l'occasion de vivre un temps de traversée avec les adultes du Foyer Matira, et une courageuse de l'équipe soignante qui a osé faire le pas... Pas évident de découvrir sans la vue ! Mais si savoureux...

NOUS NE GUIDERONS DÉSORMAIS PLUS DE LA MÊME MANIÈRE

Nous sommes venues au Foyer Matira avec une idée assez précise de la manière dont nous voulions mener la barque et l’accompagnement dans l’espace du Parcours. Une manière construite par nos expériences passées : intervenir le moins possible pour favoriser l’expérience vécue de chacun, qui doit trouver son propre chemin.

Mais au fil de la semaine et des débriefings quotidiens, nous nous sommes aperçues que pour que certains enfants puissent se saisir de l’expérience, l’intervention était nécessaire. Comme pour l’un qui allait si vite qu’il ne sentait rien. Ou pour un autre qui avait peur et ne pouvait avancer que si il se sentait enveloppé.

Les enfants de l’hôpital de jour, qui nous ont fait comprendre si fort ce qui leur était nécessaire, nous ont fait découvrir un courant que nous n’avions pas repéré, où il n’y a pas de règle générale mais seulement des êtres uniques dont nous devons comprendre les besoins, et qui nous mène à prendre soin des spécificités de chacun, même celles de ceux qui nous les montre moins. Un courant que désormais nous prenons.

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UNE TRAVERSÉE ENTRE ARTS ET SANTÉ

Pour finir, nous avons envie de partager avec vous un point du bilan que nous avons réalisé avec l’équipe soignante de l’hôpital de jour, suite à notre traversée commune d’une semaine. Parce que ce point nous semble essentiel pour une bonne coopération entre une structure artistique et une structure de santé, en tout cas entre l’hôpital de jour de la Ciotat et la Cie Infusion.

Durant cette semaine-ci, nos deux navires, celui de la structure de santé, et celle des artistes, ont vogué en parallèle, et sans collision, guidés par un même cap : le vécu, l'expérience sensorielle et le soin de l’autre. On peut être contents de cette jolie route parcourue.

De notre côté, nous avons des ingrédients à ajouter au voyage : la créativité, l'artistique et l'imaginaire. Ce que nous avons commencé à saupoudrer délicatement, tout en découvrant un monde que nous ne connaissions pas encore. Par le biais d’une carte postale sonore, de contes, de costumes, de décors…

Pour la suite du voyage, nous aimerions les embarquer pour de bon à bord de notre bateau. Le temps d’une semaine, garder à vue leur navire de structure de santé tout en les conviant à vivre le voyage avec nous, d’un bout à l’autre. Chacun serait le personnage d’une histoire en train d’être racontée et même temps que vécue.

Car les ingrédients que nous ajoutons au voyage sont une manière détournée de travailler la sensorialité, cette présence au monde à 100% que demande le travail artistique ainsi que la traversée du Parcours, et où le sensoriel est le centre de l’attention.

Ces ingrédients artistiques sont aussi le moyen d’appréhender physiquement une tension dont nous avons découvert l’importance dans l’autisme : celle entre la réalité et la fiction. C’est Rémi, psychologue à l’Hopital de jour, qui nous l’apprend : “faire une traversée sur terre er pour de faux est intéressant pour les enfants autistes, parce qu’on reconstitue le jeu, ils font « comme ». Et en même temps, ils ne font pas « comme » car nous sommes pour de bon dans le cadre d’une démarche artistique”.

Une réflexion à poursuivre et qui nous ouvre des horizons…

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Texte : Flore Viénot
Photos : Renaud Menoud


Un projet soutenu par :

 
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